J+142 : les conseils de la boîte violette pour trouver l'homme de ma vie
Hier, le conseil n° 3 disait : "Suivez un cours de cuisine, c'est bien plus drôle et socialement intéressant qu'il y paraît".
Ah.
Oui mais si j'ai pas d'sous pour m'inscrire ? Et puis on n'intègre pas comme ça un cours en pleine année... Donc moi, je ne rencontrerai pas l'homme de ma vie comme ça.
Bref, le conseil débile n° 3 est un conseil débile tout court.
Le conseil d'aujourd'hui dit ça : "Lorsqu'un homme vous plaît, quelques regards et un sourire amical suffisent. Mais c'est le minimum".
Phrase intéressante qui suggère, dans la première proposition, qu'il n'est pas nécessaire que vous baissiez tout de suite votre petite culotte si vous rencontrez un homme qui vous plaît. La seconde phrase en revanche suggère que ce serait bien quand même.
Moi, dans ma dernière rencontre avec le monstre qui m'obsède que je tente d'oublier, ça ne s'est pas du tout passé comme ça.
D'abord, ce type ne plaisait pas. Donc ni regard ni sourire spécial d'aucune sorte. Nous nous sommes retrouvés à danser, d'une manière tout à fait correcte, corps à bonne distance, petit papotis papotas sans importance. Cela faisait 10 ans qu'il n'avait pas dansé ainsi, il ne savait pas danser... voilà en substance la teneur de nos échanges.
Et puis d'un coup, comme ça, une chose inexplicable s'est passée, un confort de corps, un bien-être, rien de sexuel, et nous nous sommes retrouvés aimantés en train de nous embrasser, à la grande surprise de mes amies alentour. Un baiser doux et long et sensuel si agréable que nous n'arrivions pas à nous désenlacer. La sensation d'avoir trouvé le corps ideal auquel s'emboîter. Lorsque nos lèvres se sont enfin quittées, nous nous sommes regardés et avons tous deux poussé un soupir qui traduisait un étonnement, une sorte de Mpffff qui disait que quelque chose de parfait venait d'arriver. Un étonnement. C'est réllement ce que nous avons tous deux ressentis.
Et après ça, j'étais cuite. Je ne m'appartenais plus. L'obsession date de ce moment-là. Nous sommes reparties avec mes amies, et je suis restée sur le souvenir de ce baiser, de l'immense étonnement des sensations qu'il avait produites. J'aurais pu rester sur ce seul souvenir agréable, sur ce moment unique. Le garder bien au chaud pour les longues soirées d'hiver solitaires. Mais la mémoire du plaisir est tenace. Et tous mes actes ont consisté dès lors à vouloir retrouver ces sensations. C'est comme ça que je me suis retrouvée la semaine suivante à aller le chercher dans son repaire, et à le ramener à la maison. Je n'imaginais pas alors le monceau d'imperfec-tions qu'engendrerait ce micro moment de perfection.
Le plus dur aujourd'hui, et le plus étonnant, c'est que le monceau d'imperfections, et dieu (ou son beau-frère) sait qu'il n'y a quasiment que ça (je vous ai déjà tout raconté) ne pèse absolument rien face à ces quelques minutes de perfection.
Et c'est ce qui fait que malgré tous les conseils de la boîte violette et de mes sages amies-infirmières, et ma détermination à rencontrer d'autres messieurs bien plus recommandables et plus charmants et plus intelligents et moins alcoolisés et plus cultivés et plus et tout et tout, et le tragique de notre dernier affrontement, je doute retrouver semblable perfection lors d'une prochaine rencontre. C'est un peu comme si j'avais peiné, lutté, souffert pour monter jusqu'au sommet de l'Hymalaya. Et qu'une fois arrivée en haut, ayant ressenti une plénitude totale, la descente ait été un véritable enfer. Mais que malgré tout, le souvenir de la plénitude ait emporté le reste. On est à l'hôpital, plein de bosses, le corps couvert de bandelettes, les membres cassés, des perfusions partout, et c'est le moment de silence de glace, tout là-haut là-haut dans le vent, avec toutes ces belles crêtes blanches, et le sentiment que la mort peut venir vous saisir là, dans le ravissement et le vertige des sommets, qui vous fait oublier les bosses et supporter la souffrance. Et la seule chose qui importe, dès que vous serez sortie de l'hôpital, c'est de monter une nouvelle expédition pour éprouver encore une fois ce plaisir immense.
Bizarres humains. Bizarre moi. Amours casse-cou, amours casse-gueule. Donc finalement, peut-être que le conseil n° 4 n'est pas si con que ça : "Lorsqu'un homme vous plaît, quelques regards et un sourire amical suffisent". Après ça, fuyez ! Allez passer quelque temps à méditer dans un monastère, faites vous prescrire une cure de sommeil. Mais n'allez jamais plus loin que le sourire amical. Et n'embrassez jamais un homme qui ne vous plaît pas.
Sur ce, je vais ôter l'une de mes bandelettes et mettre un peu de Mercurochrome sur l'une de mes bosses. Et je vous laisse avec ce vieux truc. C'est pas l'Tibet mais la Tanzanie. Mais c'est tout comme :