J+371: LE CONCEPT DE L’AMOUREUX AVEC UNE DATE DE PEREMPTION
La date de péremption, c’est la limite au delà de laquelle un produit bascule du frais dans le pourri. Le temps altère la composition de l’aliment. Passée cette date fatidique, le consommateur mange à ses risques et périls. Alors certes, le produit ne passe pas comme ça du jour au lendemain du frais au pas frais, menaçant le distrait d’indigestion ou de botulisme. Il y a un temps de latence : quelques jours, une semaine, voire plus parfois. La date a valeur de mise en garde sérieuse mais pas de guillotine alimentaire.
Ce serait bien pratique tout de même si, comme pour le pot de yaourt, l’amoureux pouvait avoir une date apposée sur le fond du pantalon ou au sur la manche de son veston. Ainsi la consommatrice d’amoureux serait prévenue. Là, ce ne serait pas tant les qualités gustatives ou la fraîcheur de l’amoureux qui constitueraient les critères de péremption (car un amoureux c’est un peu comme un légume : dès qu’il n’est pas frais, ça se voit tout de suite), mais le caractère, l’aptitude à évoluer, la capacité à répondre aux problèmes du quotidien, l’imagination amoureuse, la résistance sexuelle...
Comme on le fait avec la cuisse de dinde, les célibataires désespérées pourraient bénéficier d’offres de dernière minute. Un amoureux dont la date de consommation approcherait la fin se verrait apposer une pastille rouge sur le front indiquant à la consommatrice qu’il ne lui resterait plus que trois jours (+ le délai de latence) pour bénéficier des prestations de l’amoureux. Ainsi la tête-en-l’air ou l’imprévoyante comme moi seraient toujours certaines de pouvoir profiter d’un amoureux encore frais, même de manière sporadique.
Evidemment, les adeptes de l’amoureux bio seraient quelque peu désavantagées. La certification BIO exigeant en amont de parfaites conditions de production et aucun conservateur artificiel, l’amoureux bio serait à consommer quasiment tout de suite. Ses qualités seraient bien supérieures à celles de l’amoureux en conserve préparé dans une multinationale de l’agro-alimentaire pour finir dans un rayon de chez LIDL. Mais la qualité de la relation, même courte, ne vaut-elle pas mieux qu’une relation plus longue avec un amoureux aux mérites tellement piètres qu’elle finirait à la longue par n’avoir plus aucun goût ?
La date de péremption sur l’amoureux permettrait en outre à ce dernier de s’améliorer, à peine de basculer dans la catégorie des amoureux à l’obsolescence programmée ou jetables dont j’ai parlé avant hier (cf.J+369 : LE CONCEPT DE L’AMOUREUX JETABLE ). Car, contrairement au pot de yaourt, l’amoureux est humain donc doté de la conscience de sa condition. Menacé de ne plus être consommé, il pourrait agir en vue de s’améliorer et reculer ainsi la date de sa mise au rebut.
Les filles pratiques me diront : mais qui serait chargé de définir la date limite ? De la même manière qu’il existe des panels de consommatrices, je suggère qu’un panel d’ex se réunisse régulièrement dans le bar d’un grand hôtel ou un petit café de quartier au choix, pour redéfinir ensemble les critères d’obsolescence de l’amoureux. Celui qui aurait fait des progrès considérables en travaux ménagers ou en recyclage par exemple, celui qui aurait réduit son habitude de bitures de moitié ou encore celui qui aurait fait des efforts notables en matière de petites attentions ou en hygiène corporelle verrait sa date de péremption substantiellement reculée. Ce serait elles également qui apposeraient les petites pastilles rouges sus-mentionnées sur le front des réfractaires.
Allez. Je vous laisse méditer ce concept en compagnie de Georges Bush : « Je sais que l’être humain et le poisson rouge peuvent cohabiter pacifiquement ».
Et avec ça :