J+199 : quand la rime est riche, la relation est pauvre
La rencontre sonore des mots, c’est un peu comme avec les gens : des fois ça donne le meilleur, des fois ça donne du moins bien. Moi qui aime tant les mots et les rimes, je me suis essayée à assortir certains mots du vocabulaire amoureux. Cela traduit assez ma perception générale de la chose. En gros on peut dire que ma vision n’est pas rigolote rigolote. Ceci explique sans doute pourquoi je suis toujours célibataire...
Ainsi le mot MARIAGE. Qui rime immédiatement pour moi avec le mot COCUFIAGE (ou COCUAGE) ! Ben oui. J’ai du mal a croire qu’on ne trahisse pas un jour toutes les promesses de fidélité qu’on a faites pourtant devant témoins, officiellement, devant des gens spécialement déguisés pour recevoir ces serments, qu’il s’agisse d’une écharpe tricolore ou d’un petit Jésus porté au revers d’un veston. Car honnêtement, ça ne me paraît pas tenable, cette histoire de fidélité. Le 2ème mot qui me vient à l’esprit, c’est le mot ETIAGE, dont je rappelle aux ignorant(e)s la signification et le sens premier : « baisse périodique des eaux d’un cours d’eau ; le plus bas niveau des eaux ». Le mariage arrive souvent vite à son étiage. Il rime aussi pour moi avec COPIAGE, en ce sens que l’on plaque souvent sur sa propre relation un modèle-type ; qu’on n’essaie pas de réinventer la chose, en fonction de la singularité de la personne avec qui l'on forme un duo. Si j’avais enfin à trouver son complément optimiste, peut-être que l’idéal du mot coordonné serait le mot COLORIAGE. Si le mariage consistait à colorier chaque jour un petit bout de la relation, au final, on aurait un mariage qui ressemble à un puzzle arc-en-ciel.
Avec le mot HOMME, il n’y a que trois possibilités : soit on tombe sur un bonhomme, soit sur un gentilhomme, soit sur un surhomme ! J’entends bonhomme dans un sens peu flatteur, un peu comme on dit bonne femme. Mais le premier mot qui peut aussi venir à l’esprit, comme un mauvais souvenir très lointain, c’est celui du temps où l’homme se laissa tenter et croqua la POMME. Depuis, le goût en étant tellement bon, il n’arrête pas. Et c’est ainsi qu’on en revient au mot COCUFIAGE !
Avec le mot UNION, plus plat, on peut immédiatement basculer, avec une vision pessimiste de la rime, dans l’antonyme DESUNION. Qui résume assez largement toutes nos histoires. Dans la vision optimiste, on peut lui adjoindre le mot COMMUNION, un idéal en somme.
Avec le mot AMOUREUX, là, on a le choix ! Si l’on est normale, on en trouvera un qui est CHALEUREUX, GENEREUX, RIGOUREUX, VIGOUREUX, bref un homme qui rime avec HEUREUX. Mais si, comme moi, vous êtes un peu beaucoup tordue, eh bien vous finirez avec un AFFREUX ex-drogué alcoolique au teint CADAVEREUX ou CIREUX ou CENDREUX, ou TERREUX, aux yeux VITREUX, de surcroît COLEREUX, DANGEREUX, CREUX, MISEREUX, PEUREUX. Bref un homme qui rime avec MALHEUREUX et là vous aurez immédiatement reconnu le portrait de mon ex-prince tout pourri.
Avec le mot AMOUR, c’est l’inverse : on a quasiment une seule possibilité, si l’on veut le faire fleurir et durer d’une jolie manière et se jouer des petits et gros tracas qu’il porte en lui. La seule rime tenable en OUR est celle du mot HUMOUR.
Pareil pour le mot COUPLE dont la seule rime possible est celle du mot SOUPLE, dans toutes ses acceptions. Un couple, cela doit être cela avant tout. Une pliure réciproque, un exercice d’étirement permanent, une adaptation adroite à la volonté d’autrui, qui doit procurer une « impression de gracieuse aisance et de liberté ». Ou quelque chose qu’on peut plier et replier facilement, sans casser ni détériorer. Un couple, pour être viable, doit se plier et se mouvoir avec aisance. Un couple doit être flexible, agile pour être léger.
Voilà. J’arrête ici ma revue. De votre côté, essayez-vous à faire rimer les mots les plus importants de votre vocabulaire personnel. C’est un petit jeu sympa et qui en dit long sur la manière dont nous percevons le monde, les gens, les sentiments.
Sur ce, je vous laisse avec ça. Je l'adore moi Mireille, avec sa petite voix acidulée et ses si jolis mots :