J+310 : VOUS N’AVEZ VRAISEMBLABLEMENT JAMAIS CONNU ÇA
Moi oui : un constat d’adultère. C’était au temps où la preuve irréfutable de l’infidélité était fréquemment constatée par huissier. Elle l’est toujours d’ailleurs aux termes du Code civil (art. 259-2), alors ne vous réjouissez pas trop vite, adultères invétérés ou en herbe que vous êtes, quand bien même la pratique se fait moins courante qu’autrefois, les juges étant plus sensibles au respect de la vie privée.
C’est ainsi qu’un policier frappa un jour à mon huis de bon matin (soit à 6h00 précises, heure légale) avec ce poing vigoureux qu’ont seuls les représentants de l’ordre, de ceux qui vous font croire un instant qu’une équipe de rugby tente de défoncer votre porte à coups de tête, ou que l’immeuble va être évacué en raison d’une explosion de gaz. Qui n’a pas entendu au réveil ce tremblement, et ouvert la porte à la sainte trinité de l’ordre conjugal : j’ai nommé l’huissier, le serrurier et l’officier de police judiciaire, n’a rien connu des coupables plaisirs du péché de chair !
Le serrurier n’ayant pas eu besoin d’entrer puisque j’avais obligeamment ouvert la porte, celui-ci resta bien sagement et apparemment embarrassé sur le palier tandis qu’un policier à la mine sévère (il avait devant lui une coupable en moitié de pyjama) et l’huissier blasé, atone et sans scrupule pénétrèrent chez moi pour constater la faute de l’homme avec qui je couchais en ce temps-là.
Mon amant, qui s’était hâtivement vêtu n’importe comment au bruit qu’avaient fait ces cerbères matrimoniaux, n’avait toutefois pas eu le temps de se recoiffer. Passées les premières questions sur nos identités, moi remise immédiatement dans mes gonds par l’officier de police après avoir aigrement dit à l’huissier qu’il faisait un joli métier, ce dernier pénétra dans la chambre. Je tentai bien un habile mensonge : monsieur était venu prendre un petit déjeuner en ma compagnie. Mais l’huissier blasé ne s’y trompa point : il mit sa main dans le lit et, ayant constaté la chaleur corporelle dans la double forme imprimée sur le matelas et les oreillers, de même que le manque de tasses de café ou de croissants, nos mines froissées par le manque de sommeil, il mit bout à bout nos tenues légères et tous ces faits en mots administrativement probants qui conclurent un mariage aux torts exclusifs de l’infidèle.
Je ne me souviens plus si c’est de cette année que date ma détestation des huissiers et à cause de mon huissier fouineur que je ne m’imagine pas tombant amoureuse d’un homme qui glisse sa main dans les draps chauds d’autrui ou confisque le triste mobilier d’une famille endettée. Sans doute m’objectera-t-on que parfois, on est bien heureux d’avoir un huissier de son côté pour constater les torts d’autrui. De son côté peut-être, à ses côtés assurément non.
Sur cette scène semblant appartenir à un passé amoureux antédiluvien et qui pourtant est le mien, (c’était je crois en 1978 ou en 1979) je vous laisse avec ça :