J+95 : inadaptée (enfin pas complètement) !
A l'heure du retour sur Paname et du bourrage de ma valise, je viens de poser ma trousse de toilette sur le pèse-personne : elle pèse très exactement 2 kilos !!!
J'ai enfourné les deux paires de chaussures à hauts talons que je n'ai pas chaussées, le maillot de bain avec lequel je ne me suis jamais baignée ; mes palmes (sèches), ma planche rose fluo qui a monté sagement la garde au fond de ma valise.
Je m'en retourne l'appareil photos plein d'images étranges : aucune mouette, aucun bateau, à peine un coin de mer, mais un slip kangourou blanc géant accroché à un poteau sur le chemin de Notre Dame de la Garde ; l'injonction d'inféodation au Christ sur la façade de l'église jouxtant la plage des Catalans ; les mots "honneur" "valeur" sur celle de la caserne des marins-pompiers.
Autour de moi, tandis que je vous écris ces mots à l'encre rose, des chapelets de mamelles cuites de tous âges et toutes formes, suspendues comme des piments en collier, me rappellent qu'avec mes Doc. Martens noires, mon jean aux bas retroussés à la mode des années 1950, mon sac baluchon orange fluo bombé comme un gros stabylo, mes lèvres et mes bras écarlates, j'appartiens bien à la catégorie des ultra-urbaines inadaptées à la vie au grand air.
Mais je m'en moque. Pour l'instant, la seule chose qui m'importe, c'est de ne pas être une inadaptée définitive de la vie amoureuse. Il est vrai qu'au lieu de rapporter à l'homme que j'aime un beau tee-short floqué du mot Marseille, le "i" surmonté d'un coeur, je lui ai adressé un super moche cendrier. Est-ce un indice suffisant de mon inadaptation ? Me concernant, la réponse est négative. En général, plus je suis amoureuse, plus mes cadeaux sont idiots. Une fois, j'ai offert à un homme dont j'étais très éprise une double culotte (le modèle "couple").
En face de moi, un beau jeune homme torse nu se tripote de temps en temps le cornichon tandis qu'à ma droite, une femme noire de soleil tartine consciencieusement un litre de produit solaire sur sa peau de rhinoceros. Il est temps pour moi d'aller m'acheter un tube de Biafine, seul acte sensé de ma vie d'inadaptée.
Et si ma barque-cendrier et ses dauphins, au lieu d'accoster doucement au rivage de mon bel homme, allaient se fracasser sur le roc de son indifférence... Je n'ose envisager ce scenario. Mon beau teint et mon calme retrouvés ne serviraient à rien, sauf à étonner les camarades du Parti que je verrai en réunion durant toute cette journée de samedi.
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Il a appelé.
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Je ne suis pas une inadaptée de la vie amoureuse (enfin pas complètement). Tout lui a plu : les clous de girofle, et les dauphins et ma carte avec le chaperon rouge.
Je suis tellement contente que j'ai failli en laisser tomber mes lunettes dans la cuvette des toilettes.
Après un café sur la terrasse, j'irai ce midi manger des panisses à l'Estaque. Et très vite, je vais revoir mon amoureux (et le Parti Communiste). Youpie.
Je vous laisse avec ça (c'est l'une des chansons que je veux à mon enterrement) :