J+312 : SUIS-JE VRAIMENT UNE FILLE ?
« Mais qu’est-ce qui peut à ce point la faire douter de sa féminité ? » diront les plus curieux d’entre vous et ceux qui savent que comme je suis dépourvue de petites choses qui pendouillent, je ne suis pas un gars non plus. Eh bien je suis passée aujourd’hui devant une vitrine derrière laquelle s’affairait une manucure qui papotait silencieusement avec une dame, les deux pattes tendues devant elle comme un chien qui fait le beau. Et puis je suis passée devant un coiffeur chez qui une autre dame, la tête et des mèches de cheveux couverts d’aluminium, qui ressemblait à une créature d’une série de science-fiction des années 1950, semblait attendre depuis des heures une communication intersidérale. Et puis je suis passée devant une pédicure, et là je n’ai rien vu à part une jeune femme qui sortait. Et puis je suis passée devant l’institut de beauté. Et tout plein de femmes impatientes de se faire désempoiler, et ratiboiser l’entrejambe et les dessous de bras, et de se faire étirer, récurer, désincruster la peau, et malaxer et pétrir, et oindre le corps avec des huiles de tous fruits et des onguents de tout bois, et brunir et rajeunir s’y pressaient. Et puis j’ai failli mourir écrasée au centre commercial au milieu d’une meute de femmes essayant des souliers de Noël (pas des bottes de Père Noël mais des choses très très hautes et très très pointues) et des tenues en soie et en paillettes et des colliers et des babioles et des colifichets et des réticules qui entraient et sortaient des boutiques comme dans un film passé en accéléré.
Et moi, je ne fais pas tout ça. Jamais. Je viens de couper mes pointes de cheveux aux ciseaux à papier ce qui me donne une coupe très déstructurée, pour parler avec style à défaut d’en avoir. J’ai un coupe et une pince à ongles et je me lave les mains plusieurs fois par jour. Telle est ma manucure quotidienne. J’utilise une savonnette et je vis avec un léger duvet au-dessus de ma lèvre supérieure depuis ma naissance. Ainsi qu’avec mes poils sous les bras qui ravissent les connaisseurs. Et je n’ai jamais mis les pieds dans un institut de beauté et je ne me suis jamais fait masser. Je ne bronze qu’en marchant à Paris et je déteste mais alors je déteste faire les boutiques et essayer des vêtements et des chaussures. Je ne connais que la VPC et je ne vais jamais aux soldes de peur de mourir crucifiée sous les talons aiguilles de femelles rendues hystériques par les prix de fin de saison.
Bref. Lorsque j’observe la gent féminine, je me sens pousser des burnes. Tout cela me fait dire que non décidément, j’appartiens à un genre à part. Je pousse toute seule, quasiment sans engrais et sans plantoir. Qui plus est je ne passe jamais plus de 10 minutes dans la salle de bain et je m’habille en moins de temps qu’il ne faut pour dire « on sort ! ».
De tout ça je conclus que je ne suis pas vraiment une fille. Et que si je passais davantage de temps dans les boutiques et dans ma salle de bain, peut-être que je le trouverais peut-être mon fichu amoureux.
Sur ce, je vous laisse avec ça :